Dans un monde où la menace terroriste reste omniprésente, les assureurs se trouvent confrontés à des défis sans précédent. Cet article examine en profondeur les obligations légales et les enjeux économiques auxquels font face les compagnies d’assurance pour couvrir les risques liés au terrorisme, un sujet complexe aux implications considérables pour l’industrie et la société dans son ensemble.
Le cadre légal de la couverture du risque terroriste
La législation française impose aux assureurs des obligations spécifiques en matière de couverture des risques terroristes. La loi du 9 septembre 1986, modifiée par celle du 23 janvier 2006, constitue le socle juridique de ce dispositif. Elle prévoit l’obligation pour les assureurs d’inclure la garantie contre les dommages résultant d’actes de terrorisme dans les contrats d’assurance de biens.
Le Code des assurances, dans son article L.126-2, stipule que « Les contrats d’assurance garantissant les dommages d’incendie à des biens situés sur le territoire national ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur ouvrent droit à la garantie de l’assuré pour les dommages matériels directs causés aux biens assurés par un attentat ou un acte de terrorisme subis sur le territoire national. »
Cette obligation s’étend à tous les contrats d’assurance de biens, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises. Les assureurs doivent donc intégrer cette garantie sans possibilité d’exclusion, ce qui représente un engagement financier potentiellement considérable.
Le rôle du GAREAT dans la gestion du risque terroriste
Face à l’ampleur potentielle des dommages causés par des actes terroristes, le marché de l’assurance français a mis en place un système de mutualisation des risques. Le Groupement d’Assurance et de Réassurance des risques Attentats et actes de Terrorisme (GAREAT) a été créé en 2002 pour répondre à cette problématique.
Le GAREAT fonctionne comme un pool de co-réassurance, permettant aux assureurs de partager les risques liés au terrorisme. Son fonctionnement repose sur plusieurs tranches de couverture :
1. Une première tranche couverte par les assureurs membres du pool
2. Une deuxième tranche couverte par des réassureurs internationaux
3. Une tranche illimitée garantie par la Caisse Centrale de Réassurance (CCR) avec la garantie de l’État
Ce système permet de mutualiser les risques tout en bénéficiant d’une garantie étatique pour les sinistres les plus importants. Selon les chiffres du GAREAT, en 2020, la capacité du marché s’élevait à 2,6 milliards d’euros pour la première tranche.
Les défis de la tarification du risque terroriste
L’une des principales difficultés pour les assureurs réside dans la tarification du risque terroriste. Contrairement à d’autres risques plus prévisibles, le terrorisme se caractérise par sa nature imprévisible et potentiellement catastrophique.
Les actuaires doivent donc développer des modèles complexes prenant en compte de multiples facteurs :
– La géolocalisation des biens assurés
– La nature des activités (certains secteurs étant plus exposés)
– L’évolution de la menace terroriste au niveau national et international
– Les mesures de sécurité mises en place
Maître Jean Dupont, avocat spécialisé en droit des assurances, souligne : « La difficulté majeure pour les assureurs est de trouver un équilibre entre une tarification attractive pour les assurés et une prime suffisante pour couvrir le risque potentiel. C’est un exercice d’équilibriste qui nécessite une expertise pointue et une veille constante sur l’évolution de la menace. »
L’extension de la couverture aux nouveaux risques
L’évolution des modes opératoires terroristes oblige les assureurs à adapter constamment leur offre. Les cyberattaques et le bioterrorisme sont désormais des menaces à prendre en compte dans les contrats d’assurance.
La loi du 22 juillet 2016 a étendu l’obligation de couverture aux dommages corporels causés par des actes de terrorisme. Cette extension représente un défi supplémentaire pour les assureurs, tant en termes de provisionnement que de gestion des sinistres.
Le Fonds de Garantie des victimes des actes de Terrorisme et d’autres Infractions (FGTI) joue un rôle complémentaire en indemnisant les victimes d’actes de terrorisme. Les assureurs doivent donc coordonner leurs actions avec cet organisme pour assurer une prise en charge optimale des victimes.
Les enjeux de la réassurance
La réassurance joue un rôle crucial dans la capacité des assureurs à couvrir le risque terroriste. Les traités de réassurance doivent être soigneusement négociés pour garantir une couverture adéquate sans compromettre la solidité financière des compagnies d’assurance.
Le marché de la réassurance du risque terroriste est dominé par quelques acteurs majeurs, comme Munich Re ou Swiss Re. Ces réassureurs disposent d’une expertise pointue et de capacités financières importantes, essentielles pour absorber des sinistres potentiellement colossaux.
Selon une étude de Swiss Re, les pertes assurées liées au terrorisme au niveau mondial ont atteint 27,5 milliards de dollars entre 1970 et 2019, dont 25,9 milliards pour les seuls attentats du 11 septembre 2001.
La coopération internationale face au risque terroriste
Le caractère transnational du terrorisme nécessite une coopération accrue entre les différents marchés d’assurance. Des initiatives comme le Pool Re au Royaume-Uni ou le TRIA (Terrorism Risk Insurance Act) aux États-Unis montrent que chaque pays développe ses propres solutions.
Néanmoins, des efforts sont faits pour harmoniser les pratiques au niveau européen. La directive Solvabilité II, entrée en vigueur en 2016, impose des exigences de capital renforcées pour les assureurs, y compris pour la couverture du risque terroriste.
Maître Marie Durand, experte en droit international des assurances, explique : « La globalisation du risque terroriste pousse les assureurs à développer des partenariats internationaux. C’est un enjeu majeur pour l’avenir du secteur, qui doit concilier les spécificités nationales avec la nécessité d’une approche globale. »
Perspectives et évolutions futures
Les obligations des assureurs en matière de couverture du risque terroriste sont appelées à évoluer dans les années à venir. Plusieurs tendances se dessinent :
1. L’intégration croissante des nouvelles technologies dans l’évaluation et la gestion du risque
2. Le développement de produits d’assurance paramétrique pour une indemnisation plus rapide
3. Une collaboration renforcée entre assureurs, réassureurs et pouvoirs publics
4. L’adaptation des contrats aux nouvelles formes de terrorisme (cyber, biologique, etc.)
Les assureurs devront faire preuve d’agilité et d’innovation pour répondre à ces défis tout en respectant leurs obligations légales. La formation continue des professionnels du secteur et l’investissement dans la recherche seront des facteurs clés de succès.
En définitive, la couverture du risque terroriste par les assureurs reste un exercice complexe, à la croisée des enjeux juridiques, financiers et sociétaux. Si le cadre légal impose des obligations strictes, c’est bien la capacité d’adaptation et d’innovation du secteur qui déterminera sa capacité à relever ce défi majeur pour nos sociétés contemporaines.